Le capitalisme, comme les modes de production l’ayant précédé, est le produit d’un processus historique. Il n’est ni inhérent, ni «naturel» à l’homme. Il n’est pas apparu avec la propriété privée et avec l’essor des inégalités sociales1.
Les marxistes, suivant aveuglément la vulgate tirée de Marx et Engels, ont longtemps eu une conception mécaniste et schématique de la succession des modes de production qui aboutirait au communisme. La réalité historique fut plus complexe que la simple substitution d’un mode de production médiéval à un mode de production esclavagiste, et d’un mode de production capitaliste au mode de production médiéval2.
Cependant, tour à tour, les anciens modes de production disparurent, rongés par des contradictions internes. À cause des rapports conflictuels de classe constitutifs de chaque mode de production, des contradictions mettant à mal leur stabilité et leur pérennité apparaissent.
Les intérêts des possédants et des exploités sont antagonistes et s’affrontent à chaque soubresaut de la lutte des classes. La lutte des classes est le moteur de l’histoire ; c’est par sa cristallisation à des moments charniers de l’histoire que des modes de production, dépassés par leurs contradictions, implosent. De leurs cendres se nourrissent les nouveaux.
Les contradictions du capitalisme
Comme tous les modes de production précédents, le capitalisme est un système autophage. Il s’érode, se dévorant lui-même du fait de ses contradictions internes.
La première de ces contradictions est celle qui oppose le capital au travail. Les capitalistes ne sont pas entièrement libres de fixer les modalités d’exploitation du prolétariat et doivent subir les multiples expressions de la lutte des classes. La bourgeoisie est contrainte de jeter assez de miettes à la face des travailleurs pour la reproduction de leur force de travail et pour permettre la consommation des biens produits, source primordiale de leurs profits.
Le prolétariat a tout intérêt à capter totalement les fruits de son travail, et ainsi à mettre un terme à son exploitation. Grâce à la centralisation des forces productives, du fait d’un capitalisme monopoliste qui tend à concentrer les capitaux dans un ensemble de mains de plus en plus réduit, enfant légitime de la concurrence libre et non-faussée, la classe révolutionnaire a désormais devant elle un terrain propice à la socialisation des moyens de production.
Deuxième contradiction inhérente au mode de production capitaliste : la baisse tendancielle du taux de profit3. Dialectiquement, l’accumulation du capital tend, dans le même mouvement, à la volonté d’augmenter la valeur nouvellement créée, ce qui ne fait qu’accroître la somme totale des valeurs déjà créées auparavant et toujours existantes : le rapport de ces deux quantités, le taux de profit, baisse. Si le profit est rendu possible par le surtravail (c’est-à-dire le travail que fournit l’ouvrier au-delà du temps nécessaire pour produire sa force de travail), la production nécessite obligatoirement du capital constant qui, nonobstant de ne fournir aucune valeur supplémentaire, constitue un coût supplémentaire.
Tout ajout de capital constant (les matières premières et les machines, principalement) pour résister à l’assaut de la concurrence ou pour augmenter la productivité fait nécessairement baisser le taux de profit moyen. Pour compenser, le capitaliste se trouve obligé de baisser les salaires, de supprimer des emplois, d’augmenter les cadences. Vient alors le moment où les masses ne peuvent plus consommer en nombre suffisant les produits du capital, ce qui provoque cycliquement des crises économiques.
La dernière contradiction majeure du capitalisme puise sa source dans «l’anarchie de la production». La production des marchandises est supérieure à une consommation qui est estimée en fonction des nécessités de vente, et non des capacités d’absorption réelles. De cette logique découle deux résultats mortifères. Si la production, parce qu’elle ne correspond pas aux besoins réels de la consommation, est en défaut d’approvisionnement, la rareté provoque un envol des prix qui profite aux concurrents. En cas de surproduction, les prix baissent et le capital correspondant se trouve en trop grande quantité, stérile et inutilement utilisé. Ces crises de surproduction, associées au développement des forces productives, se métamorphosent en crises sociales.
La nécessité même de produire plus que ce qu’il est utile, dans une organisation chaotique et court-termiste de la production globale, et cela afin de survivre à la compétition journalière menée contre les autres entreprises, étend la crise. Si elle a été économique et sociale, elle est maintenant aussi écologique. Dorénavant, le capitalisme détient aussi le monopole du risque d’effondrement ; l’écosystème et les êtres qui le composent, humains y compris, sombrent droit, d’heure en heure, vers leur anéantissement.
Un mode de production exsangue de ces contradictions : le socialisme
Un mode de production fut cependant conceptualisé pour être libéré de ces trois contradictions internes : le socialisme.
La propriété privée des moyens de production y sera abolie. Les contradictions de classes se verront de plus en plus réduites. Les travailleurs se verront redistribuer, de façon directe (par le biais du salaire) ou indirecte (par les services et les investissements publics), l’entièreté du fruit de leur travail. Il n’y aura plus aucune raison que les travailleurs s’opposent aux exploiteurs ; la bourgeoisie n’existera plus en tant que classe.
Les moyens de production collectivisés au nom de l’État, la «collectivité sans classes»4, les affres découlant de la «liberté d’entreprendre» et de la «libre concurrence» auront disparu. Les crises économiques et la concurrence mortifère entre des entreprises tentant désespérément de survivre au détriment de leurs pairs seront reléguées dans les limbes de l’histoire.
Sans crises de surproduction découlant de «l’anarchie de la production» et sans baisse tendancielle du taux de profit, les travailleurs et les travailleuses ne seront plus victimes de crises cycliques ne profitant qu’aux capitalistes, ces crises qui permettaient d’éliminer les concurrents moins aptes à surmonter les instabilités économiques.
Par la planification économique et la redistribution égalitaire et réfléchie des fruits du travail de tous, la pauvreté, la misère, la faim et les autres malédictions construites et institutionnalisées par les classes dominantes de notre monde disparaîtront.
Le socialisme est le seul mode de production libéré des contradictions qui proviennent du libre marché. Et si, à terme, les contradictions de classes auront disparu en son sein, les contradictions entre production de biens et sauvegarde de l’environnement disparaîtront tout autant.
Le socialisme, la seule voie verte
Seul le socialisme pourra assurer l’existence durable des êtres humains sur Terre. Le socialisme est porteur de solutions concrètes, loin des fables contés par les lobbies du Green Washing ou par les promesses des tenants de l’écologie réactionnaire.
Soyons honnêtes : les problèmes écologiques ne se régleront pas du jour au lendemain sous le socialisme. Même en ayant renversé le mode de production capitaliste, il nous faudra gérer les conséquences et les mutations profondes qu’il fit subir à la Terre. Les modifications sur le climat et l’environnement ont altéré la planète à jamais. Le «retour en arrière» sera impossible. Le socialisme permettra au mieux de les atténuer et d’éviter la poursuite de la voie du chaos.
La crise écologique est planétaire ; l’économie doit être planifiée à l’échelle mondiale. La victoire définitive du prolétariat international sur la bourgeoisie est la condition sine qua none de la sauvegarde de l’écosystème planétaire. Les pays impérialistes et les pays les plus développés sous le capitalisme devront soutenir les plus faibles dans leur adaptation aux temps nouveaux. La transition écologique sera forcément plus lente dans les pays les plus paupérisés, leur développement étant nécessaire à la construction d’un socialisme durable.
Pour réduire l’une des principales sources de pollution, les transports doivent être collectivisés. Pour cela, il faut rendre matériellement impossible l’usage intensif de la voiture ; interdire l’accès aux voitures dans les villes, avec des possibilités d’en emprunter lorsque les conditions le demandent, pourrait être une manière d’initier une telle politique. L’État étant désormais propriétaire des moyens de production, il aura tous les moyens économiques nécessaires pour jouer son rôle providentiel et investir dans les transports en commun, en ville comme dans les campagnes trop souvent laissées de côté de tels investissements. De même, l’habitat collectif de qualité et respectueux de l’individu doit être étendu.
Les nouvelles technologies issues de l’électronique seront salvatrices pour mettre en œuvre la planification socialiste. Elle se basera sur l’informatique et sa formidable puissance de calcul. La science et la technique ne sont pas antinomiques avec la nature. Si les technologies sont indispensables pour émanciper les travailleurs des corvées et tâches répétitives, elles permettent aussi de combattre les problèmes environnementaux. Les inventions et techniques mises en application de façon contrôlée peuvent être une solution envisageable pour combattre certains problèmes environnementaux.
Les moyens de production doivent être, dans les limites du raisonnable, réorganisés localement. Les territoires seront restructurés pour que la production puisse se coller au plus près des besoins des populations. Si le capital dispose du droit d’implanter ses usines où bon lui semble, la volonté collective pourra conduire au redéploiement cohérent des unités de production selon les besoins, jusqu’à une certaine limite.
Des pans entiers de l’économie devront disparaître. Hormis tous les secteurs qui servent à valoriser le capital – le secteur financier – et celui qui sert à inciter la consommation – le monde de la publicité et de la communication économique – la consommation de gadgets inutiles au bien-être des populations ou de l’écosystème devra être stoppée. Le recyclage des pièces, par leur uniformisation et leur standardisation, doit être posé comme but primordial dans la création de tout bien.
L’État socialiste devra avoir, dans un premier temps, l’exclusif de l’utilisation des ressources limitées dans la poursuite de ses objectifs collectifs. L’utilisation du pétrole devra être réduite à son strict nécessaire comme carburant, dans la pharmaceutique, les intrants agricoles et les matériaux plastiques. De nouvelles structures économiques plus écologiques doivent être rapidement mises en place. Cela aura inévitablement un coût écologique immédiat et irréversible. Mais cela apparaît comme un mal nécessaire pour construire un mode de production durable sur le long terme.
La campagne ne doit plus être conçue comme une zone arriérée et monopolisée par la production agricole. Les campagnes devront être constituées en villes, villages et unités productives, avec incitations salariales pour refaire vivre économiquement les zones les plus délaissées de nos terroirs. Le socialisme permettra un retour à une agriculture raisonnée en incitant les coopératives d’ouvriers agricoles et des techniques plus cohérentes en fonction des urgences climatiques. Les flux de nutriments doivent doivent être considérés comme primordiaux à l’entretien des sols. Par exemple, un système de toilettes sèches collectées périodiquement peut être une voie écologique dans l’entretien et l’enrichissement des sols. La distinction entre les villes et les campagnes permettra de mêler plus concrètement flux de consommation et flux de production.
Les villes, quant à elles, n’échapperont pas à des investissements publics massifs afin de les transformer. Les températures moyennes ne vont faire que croître, et l’utilisation du climatiseurs sera à proscrire à cause de son coût énergétique. La mise en place de couverts végétaux massifs permettra une climatisation «naturelle». La mise en place de potagers et de jardins gérés collectivement dans les rues permettra d’économiser une partie du coût nécessaire du transport de nourriture depuis les campagnes.
Les capitalistes et leur mode de production ne peuvent nous offrir un avenir durable. La recherche insensée du profit épuise la nature et les hommes. Seul un État socialiste pourra mettre en place une politique efficace et durable en matière écologique.
La lutte pour le communisme devient une question de survie pour l’humanité toute entière. Si ses contradictions le conduisent vers sa chute, le capitalisme ne peut mourir que si un prolétariat révolutionnaire l’assiste. En attendant, le capitalisme est en train de tuer doucement mais sûrement l’écosystème et les prolétaires.
Mais les prolétaires ne vont pas se laisser faire.
Vous pouvez consulter la brochure “écologie politique” que nous avons rédigée suite à une formation faite par des militants.
Bibliographie et indications
1– Voir les articles précédents de cette série : Épisode 1 : Bourgeoisie et moyens de production et Épisode 2 : Prolétariat et lutte des classes.
2– Marx étudia aussi un “mode de production asiatique“. Son existence est aujourd’hui largement remise en cause par des travaux d’historiens et d’économistes.
3– Karl Marx, Le Capital, tome 3, 1894
4– Georges Politzer, Principes élémentaires de philosophie, 1946