Libération Trans

Cet article vise à présenter nos prises de positions sur le sujet de la lutte politique des personnes trans. Par ailleurs, dans le contexte actuel, il nous apparaît comme absolument nécessaire de rappeler le contenu progressiste de cette lutte et l’importance de s’en emparer.

Le produit de la réaction

La vague réactionnaire produit une série de boucs émissaires, cela n’a rien de nouveau : la construction d’une cible externe permettant de cristalliser les affects est un puissant moyen de mobiliser. Le choix de ces cibles n’a rien d’anodin, elles sont issues des tendances idéologiques qui parcourent la société. Ainsi, du Patriarcat et de ses justifications essentialistes naturalistes émergent la chasse à tout ce qui s’écarte des normes genrées. Alors lorsque des personnes revendiquent la possibilité de changer de genre, cela rentre en collision avec toute la construction idéologique patriarcale. Ainsi, la batterie de mesures antitrans annoncées outre-Atlantique suite à la prise de pouvoir des républicains est la dernière expression de l’offensive de la Réaction, pourtant au cœur de nos démocraties bourgeoises habituellement parées d’une façade édulcorée. De l’interdiction des transitions pour les mineurs aux interdictions sportives ou militaires, ces mesures s’inscrivent dans une continuité politique bien plus profonde que la simple personnalité de Donald Trump.

Aux États-Unis comme en France, ces attaques sont parfois justifiées cyniquement par la défense de la condition des femmes. Pourtant, ces attaques sont à analyser également comme des attaques antiféministes, la lutte menée contre les personnes trans étant la pointe avancée d’une vision du monde figeant les normes de genre dans leur expression la plus conservatrice. La trajectoire de ce qu’on a appelé les TERF (féministes radicales excluant les personnes trans) et leur rapprochement rapide avec l’extrême-droite la plus patriarcale nous donne un exemple frappant de la continuité entre transphobie et oppression des femmes.

Les personnes trans, frappées de plein fouet par la précarité, sont d’autant plus menacées que leurs conditions matérielles les mettent en première ligne tout en rendant plus difficile leur organisation collective pour se défendre. Poussées vers les secteurs informels de l’économie, fortement discriminées et victimes d’exclusion sociale, les personnes trans sont parmi les plus opprimées de nos sociétés. De plus, l’accroissement constant de la marchandisation, la fétichisation dont les personnes trans sont victimes ainsi que leur condition économique fragilisée poussent de nombreuses personnes trans, souvent jeunes et immigrées, dans la brutalité de la prostitution.

La riposte du camp progressiste

Mais les damnés de la terre s’organisent et combattent. En France, la Riposte Trans1 du printemps dernier représente un exemple intéressant d’une tentative de créer un mouvement national politique de défense des intérêts des personnes trans. Ce fut toutefois, à l’image de la majorité des luttes progressistes, un mouvement d’une faible ampleur quantitative. La liaison difficile avec d’autres secteurs du mouvement féministe et ouvrier et la parcellisation des collectifs et organisations de défense des droits est à mettre en parallèle avec l’atomisation du maillage militant que l’on retrouve également dans le milieu communiste. Ainsi, un grand nombre de groupes et d’associations d’auto-support locales côtoient de rares organisations à vocation nationale, à la politisation variable. Nous ne saurions nous montrer donneurs de leçons face à un phénomène nous affligeant tous, mais nous ne pouvons que pointer du doigt la nécessité de l’articulation des luttes politiques et surtout du rôle que nous, communistes, avons à jouer parmi celles-ci.

Aucune compromission n’est tolérable

Avant toute chose et sans compromission, les communistes doivent soutenir le mouvement de défense de la condition des personnes trans. Les positions de certains communistes conservateurs comme le CPGB-ML2 ou le PML-RC3 , qui se plient aux paniques morales de la bourgeoisie, sont à dénoncer avec force. Leurs justifications pseudo marxistes sont issues d’une compréhension particulièrement superficielle du matérialisme, confondant matérialité des corps et réalité sociale du Genre. La complexité des rapports sociaux genrés est émancipée depuis des milliers d’années d’une simple expression biologique différenciée. Cet argumentaire est d’autant plus réactionnaire qu’il est en tout
point similaire aux justifications de l’oppression des femmes, qui seraient issues de la différence biologique entre l’homme et la femme.

La direction idéologique des organisations trans ou leur caractère interclassiste ne doivent en aucun cas être un blocage à la défense des conditions les plus élémentaires à la vie et à la survie des personnes trans. Les communistes se placent du côté des luttes démocratiques, en y défendant leur caractère progressiste, et la lutte pour la liberté des personnes trans ne fait en aucun cas exception. Le Parti communiste que nous cherchons à construire devra être le fer de lance de tous les exploités et les opprimés et aura donc vocation à tenter de se placer à l’avant-garde de la lutte de libération trans. Mais même pour notre organisation embryonnaire, nous devons nous atteler à développer notre propagande sur le sujet et d’ores et déjà construire une organisation qui lutte activement contre les oppressions de toutes sortes, également au sein de notre propre structure.

La nécessité d’une ligne politique claire

Le soutien inconditionnel à la défense des personnes trans n’efface toutefois pas la nécessité de la lutte politique contre l’intersectionnalité, idéologie dominante au sein des organisations du mouvement trans et plus généralement dans les mouvements progressistes. L’intersectionnalité est mobilisée dans la plupart des cas avec l’intention louable de proposer une analyse croisée des dynamiques d’oppression que peuvent subir les individus. Mais en considérant toutes les formes d’oppression comme des phénomènes qualitativement semblables et additionnables à l’infini, la grille d’analyse intersectionnelle s’enferme dans la pure analyse descriptive. Or, capitalisme, patriarcat et racisme ne sont pas trois déterminants particuliers qu’il conviendrait de croiser pour découvrir le réel ; leurs natures, origines et dynamiques sont éminemment différentes et liées. De plus, au-delà de ce triptyque traditionnel, nous pourrions théoriquement additionner à l’infini les déterminants affectant les vécus, arrivant in fine à l’unique individu, abandonnant ainsi toute perspective de changement collectif. Mais rejeter l’intersectionnalité ne veut pas dire abandonner l’analyse du patriarcat ou du racisme : nous devons au contraire proposer une analyse marxiste de ces phénomènes afin d’œuvrer à l’émancipation générale et à l’unité des
exploités et des opprimés.

Le travail politique des communistes

À court terme, nous souhaitons donc combattre toute attaque contre les droits légaux, l’accès à la santé ou la condition économique des personnes trans, tout en revendiquant l’accès à une transition libre et gratuite pour toute personne le désirant.

À long terme, nous analysons la révolution communiste et la dictature du prolétariat comme prérequis à la révolution féministe qui viendra balayer le patriarcat. La conquête du pouvoir politique, qui passera obligatoirement par la confrontation directe avec l’État bourgeois, est nécessaire pour développer les mesures et l’offensive politique de la révolution féministe. Cette double révolution à laquelle nous aspirons vise à combattre simultanément la base matérielle du patriarcat ainsi que ses expressions, cherchant ainsi à déraciner le plus vieux système d’oppression de l’humanité. De ses ruines, nous pourrons construire de nouveaux rapports humains, permettant ainsi la libération des personnes trans des chaînes de leur oppression, et l’émancipation de toutes et tous.


 

  1. Mouvement inter organisation à l’initiative de l’Organisation de Solidarité Trans ayant abouti à des rassemblements dans la majorité des villes du pays
  2. Parti communiste de Grande-Bretagne – Marxiste-Léniniste
  3. Parti marxiste-léniniste – Reconstruction Communiste