Coronavirus et crise du capitalisme

Le jeudi 12 mars, Emmanuel Macron a fait un discours qui se voulait historique face à la crise sanitaire provoquée par la propagation du coronavirus Covid-19. Nous avons eu droit à un mix audacieux entre «l’Union sacrée» et une mobilisation de la jeunesse style 1914, une intonation à la 18 juin 1940 et bien sûr le mea culpa sur l’importance de protéger les services publics, tout comme Sarkozy avait pu le faire en 2008.

Le résultat ? Mitigé.

Si tous les partis politiques institutionnels se rangent derrière le gouvernement, à l’exception du RN, les mesures gouvernementales ne semblent pas à la hauteur du discours. Revenons quelques temps en arrière.

Nous sommes en novembre 2019, les premiers cas du Covid-19 apparaissent dans la province chinoise de Hubei. Les autorités chinoises traitent la maladie dans un premier temps comme bénigne, mais elles déchantent très vite. Le virus se propage et les premières mesures de confinement viennent frapper la ville de Wuhan et ses environs. Le gouvernement chinois réagit de manière ferme et organisée. Les entreprises s’arrêtent, la population est confinée chez elle, des hôpitaux sont bâtis spécialement pour l’occasion dans l’urgence. Aujourd’hui, le pire de la crise sanitaire, la phase aiguë de contamination, est passée en Chine. Pourtant, ce n’est pas le cas pour les pays occidentaux qui n’ont, pendant toute la durée de la crise chinoise, pas pris une seule mesure pour empêcher la propagation du virus dans le monde. Nous nous retrouvons ainsi à affronter un virus qui a eu tout le temps de se diffuser avant d’inquiéter les gouvernements occidentaux, avant que les premières mesures n’interviennent. Pour quelles raisons ?

Tout d’abord, nous devons reconnaître la grande incompétence et déférence de nos dirigeants. Quand la première idée du Premier ministre britannique Boris Johnson pour traiter la crise du Covid-19 est de laisser ce dernier contaminer toute la population pour développer une immunité collective, quand bien même au prix de plus d’un million et demi de Britanniques, nous sommes en droit de nous demander que valent les vies des populations pour les gouvernements bourgeois, particulièrement ceux qui se targuent d’être les porte-voix du populisme et du vrai peuple contre les élites. Ces mêmes bourgeois paniquent pourtant devant l’impact économique des mesures de confinement ; devant l’écroulement gigantesque des bourses du monde, et celui des économies de nations entières dans le même temps. Ils ne semblent d’ailleurs rassurés – que pour un temps – que quand des présidents comme Emmanuel Macron promettent que le coronavirus ne leur coûtera rien. Le gouvernement Français a bien promis de rembourser toutes les pertes que subiront les entreprises durant les semaines à venir. Survient alors une nouvelle question : qui paiera ? La réponse est là encore simple pour le gouvernement : les travailleurs. Cet argent n’est pas sorti de nul part, il est la captation à la fois d’une part du profit des entreprises réalisé grâce au travail de ses employés et aussi par les divers impôts prélevés sur la population française.

Cependant, dans la situation actuelle, les taxes sur les entreprises sont majoritairement suspendues ; l’État va donc faire peser la charge de rembourser le patronat avec les deniers publics. Cette décision ne peut que faire exploser la dette et avoir des répercussions désastreuses non seulement sur la France mais aussi sur le monde en raison de ses liens économiques dans de nombreux pays. Les bourses mondiales ont perdu en quelques semaines près de trente pourcents de leur valorisation, de manière assez inattendue. La situation est dramatique, aussi les spéculateurs paniquent : où va se concrétiser leur capital si plus aucune valeur n’est produite, si les travailleurs ne produisent plus assez de valeur ? Parce que leur intérêt n’est pas de savoir si les biens de nécessité continueront d’être fournis, les spéculateurs perdent les pédales et tentent à toute vitesse de vendre les actions, baissent leur prix en-dessous même de leur prix d’achat initial : les voilà maintenant en train de vendre à perte leurs actions sur des marchés dont la pureté et la perfection laissent franchement à désirer. Or, rien d’exceptionnel là-dedans : c’est ainsi que cela a toujours fonctionné. Simplement, ici, les investisseurs ne voient plus où pourrait se faire du profit supplémentaire dans les temps qui viennent ; qui va produire si le chômage se généralise ? Les voilà à retirer leur capitaux, et à menacer même la survie de l’approvisionnement des biens de première nécessité. Oui, mais ils détiennent les moyens de production, aussi est-ce leur droit. Alors le spectre terrifiant de l’étatisation de l’économie est agité, pour « ramener les investisseurs à la raison », pour paraphraser le Ministre de l’économie. Les investisseurs ont toute leur raison, ils agissent chacun selon leur intérêt capitaliste bien pensé, bien réfléchi et malheur aux vaincus.

Dans cette situation, donc, il ne faut pas se tromper d’ennemis et il faudra rester lucide malgré les peines et les sacrifices à venir. Déjà nous voyons les réactionnaires puants du RN accuser les travailleurs immigrés de la propagation du virus. Pourtant, l’arrivée du coronavirus en France est bien plus le fait de bourgeois habitués des voyages aériens que de migrants fuyant les guerres du Moyen-Orient ou des populations traversant la Méditerranée pour trouver une société plus prospère. Enfin et surtout, ce sont eux qui font pression pour que le travail continue alors que la menace sanitaire s’accentue et que les investisseurs étrangers dans la même optique se retirent des entreprises françaises. Le profit plutôt que nos vies, si nous devions résumer.

Il ne faut pas se voiler la face, le Covid-19 n’est pas à sous-estimer, mais le saut dans l’inconnu sera bel et bien l’après-pandémie. La crise que le capitalisme est en train de connaître entraîne avec lui le prolétariat du monde entier. Reconstruction Communiste ne souscrit pas à l’union nationale autour des intérêts de la bourgeoisie. Nous ne sommes pas non plus dupes sur les évènements dramatiques qui vont advenir dans les mois, voire les années à venir. Nous agirons donc dans la perspective de renforcer le camp du prolétariat et pour la reconstruction d’une organisation communiste capable de faire entendre celui-ci.